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Une politique d’accompagnement de l’aidant est nécessaire et réalisable …

Opinion - Vieillissement | 14/04/2016

Opinion – Vieillissement | 14/04/2016

Une politique d’accompagnement de l’aidant est nécessaire et réalisable

– Philippe Giafferi, directeur général Association Alzheimer Domicile Valenciennes (Nord)

Le mot “aidant” est apparu dans notre vocabulaire depuis les années 1990, époque à laquelle la maladie d’Alzheimer commence à être, non pas connue, mais reconnue. Il y a quelques années, l’aidant était nommé aidant naturel, puis familial. Depuis décembre 2015, la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement a introduit le terme “proche aidant”. Une politique d’accompagnement de l’aidant est réalisable, à la condition que deux dimensions – sociales et sociétales – soient réunies, afin d’apporter un autre regard sur cette réalité. Voici quelques jalons pour la mettre en place.

La situation d’aidant est source de grands bouleversements au sein d’une famille : il y a souvent une sorte de redistribution des rôles ; de nouvelles responsabilités arrivent ; la relation avec la personne aidée, parce que les rituels sont défaits, se modifie ; la culpabilisation s’installe ; l’émotion l’emporte sur la raison et le rationnel est oublié. La triangulation naturelle peut alléger cette situation si un accompagnement (to care) est élaboré. Le soignant ne soigne pas uniquement un malade (to cure). Il ne se focalise pas uniquement sur le malade, il prend en soin une autre personne, appelée « aidant », qui a besoin, lui aussi, de se sentir humain, qui a, lui aussi, son propre rythme de vie. Il ne doit pas le considérer uniquement comme un aidant, mais plus particulièrement comme un soignant à part entière.

L’aidant doit adopter une attitude permettant de rétablir un équilibre plutôt que d’accentuer le déséquilibre

En effet, l’aidant connaît parfaitement le malade ; ils ont confiance l’un dans l’autre ; leur relation est souvent très ancienne et très longue, donc stabilisée, sereine, équilibrée. Il ressent ses potentiels, ses ressources, les confins de son caractère. Il sait lire dans son histoire de vie, parce qu’ils ont eu des étapes communes ou des passages identiques. Il sait bien se mettre dans ses pas pour identifier ses besoins, désirs et attentes. Il a, sans le dire ou le montrer, une approche capacitaire de la personne : que peut-elle faire ? Que ne peut-elle pas faire ? Enfin, son repaire est son repaire et ses repères sont ses repères.

L’objectif est que cette nouvelle relation – soignant, aidant, aidé(e) – vive au long cours. Compte tenu qu’en amont, cette relation est, de fait, dissymétrique, il faut adopter envers l’autre une attitude permettant de rétablir un équilibre plutôt que d’accentuer le déséquilibre. Il faut que chacun soit accueilli tel qu’il est. Il faut accepter que la relation nécessite du temps et des conditions propices. Il faut que le soignant ne soit plus un sachant et l’aidant un non-sachant. Ainsi, se compose une sorte de triangulation naturelle, où chacun sait où il doit être.

Lire aussi : « Reconnaître les aidants pour ce qu’ils sont » – Florence Leduc, présidente de l’Association française des aidants

5 axes pour l’aidant selon la spécificité de chaque situation et la visibilité du chemin à parcourir

La mise en place d’actions clés, en lien avec les acteurs et avec le soutien de l’aidant, offre cinq axes, à court, moyen ou long terme, selon la spécificité de chaque situation et la visibilité du chemin à parcourir :

L’apprentissage par l’aidant des savoir faire et être spécifiques, pour prendre en main cette nouvelle position et accompagner son proche.
La prévention du risque d’épuisement, par l’orientation rapide vers la structure adaptée à la demande, l’accès aux solutions de répit, l’appel aux services à la personne et la coordination entre tous les intervenants.
L’aménagement du domicile, qui évite les accidents domestiques et facilite le travail des soignants.
La valorisation et la revalorisation, d’une part, de leur propre identité, non d’aidant, mais de père et mère, fils et fille, conjoint et conjointe, gendre et bru, et, d’autre part, de ce qu’ils font et même de ce qu’ils ne font pas.
La préservation de leur équilibre, parce que si leur vie personnelle est oubliée, si leur vie sociale disparait, si la famille s’éloigne ou est éloignée, si le travail est impacté, ou si un potentiel d’excès se crée en donnant trop d’importance à l’un de ces piliers, cet équilibre ne pourra perdurer dans le temps.

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Des limites à prendre en compte pour réussir la démarche

Les limites existent car, si les actions mises en place réussissent le plus souvent, des échecs, des abandons ou des reculs peuvent arriver et contrarier les résultats escomptés. Les raisons s’inscrivent dans quatre domaines :
L’accompagnement inclut l’idée que l’aidant ne peut précéder l’aidé(e) sur son chemin, ni lui indiquer un itinéraire. Il ne peut que marcher à ses cotés, en le laissant libre de choisir son chemin et le rythme de son pas, en ayant conscience de participer activement et utilement. L’aidant ne peut être qu’un « passeur », parce qu’il ne peut pas vivre à la place de l’aidé(e). Il doit accepter l’inachevé, l’imperfection de ses attentes, sans le vivre comme un échec personnel.
La maladie ou le handicap, lorsqu’il a été annoncé, tant que l’acceptation (lâcher prise ou principe de réalité) n’est pas survenue, il est difficile de proposer quelque chose. Il est également complexe de pouvoir répondre à toutes les questions, telles que : comment cela est-il survenu ? Qui ou quoi l’a produit ? Pourquoi à ce moment et sous cette forme ? Une réflexion ne peut être occultée, par ailleurs : le médecin soigne une pathologie et le malade souhaite guérir un mal, qui est à la fois maladie, malaise et mal-être.
La communication (qui fonde et anime les relations) et le partage de la parole (qui témoigne de l’estime de soi et de la sollicitude) ont, de prime abord, un but simple : que les mots n’apportent pas de maux. Cela se traduit par ce que Socrate appelle « le test des trois passoires » : il est bon de raconter que ce qui est vrai, bien et utile, parce qu’il est souhaitable de filtrer ce que l’on aimerait dire. L’aidé(e) n’est peut être pas en mesure d’entendre la vérité ou du moins la réalité des choses.
Les paramètres sociétaux peuvent freiner cet accompagnement et cette communication. Trois ressortent naturellement :
– les conséquences pour la famille de l’application des articles 205 et 212 du code civil ;
– chaque être humain est l’héritier d’une longue lignée, faite de génération qu’il ne connait pas ; il est également déterminé par des liens de sang qu’il n’a pas choisi ;
– l’histoire de vie, entre l’aidant et l’aidé(e) peut être défavorable à tout accompagnement, parce que la relation dans le couple ou dans la fratrie ou dans la famille, en général, n’est pas positive.

La condition de l’un pouvant déterminer la condition de l’autre, si l’un va bien, l’autre ira bien. Au-delà, l’aidant reste un co-soignant et ne devient pas un co-malade.

Lire aussi : Comment encourager les aidants à faire attention à leur santé ?
 

Les structures qui apportent des informations aux aidants ou des soins aux personnes aidées

  • Le Clic (centre local d’information et de coordination) est dévolu aux plus de 60 ans. Il fonctionne comme un guichet d’accueil, d’information et de coordination, ainsi que de proximité. Il est également ouvert aux professionnels de la gérontologie et du maintien à domicile.
  • Le SSIAD (service de soins infirmiers à domicile) donne, aux plus de 60 ans et sur prescription médicale, des soins infirmiers et d’hygiène générale et concourt à l’accomplissement des actes essentiels de la vie ; il prévient ou diffère l’entrée à l’hôpital ou dans un établissement d’hébergement.
  • L’HAD (hospitalisation à domicile), toujours sur prescription médicale, est une alternative à l’hospitalisation en établissement, qui assure des soins médicaux et paramédicaux importants, pendant une durée limitée mais renouvelable en fonction de l’évolution de l’état de santé.
  • La plateforme de répit pour les aidants, en faisant abstraction de son sens large et en s’appuyant sur un lieu qui permet d’orienter, propose des solutions de répits aux aidants, afin qu’il souffle un peu, puisse partir en congé ou être hospitalisé, en sachant la personne aidée en sécurité parce qu’accompagnée.
  • La MAIA (méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie) est ouverte à toutes les maladies et pas seulement à celle d’Alzheimer. Sa mission principale est de simplifier les parcours et de réduire les doublons en matière d’évaluation.
  • L’Esad (équipe spécialisée Alzheimer à domicile) assure une prise en soins à domicile, sur prescription médicale, des malades atteints d’Alzheimer ou de maladies apparentées, dans le cadre d’une prestation d’accompagnement et de réhabilitation qui se répartit entre douze à quinze séances par an et reconductible.
  • La consultation mémoire permet aux patients présentant des troubles de la mémoire, de bénéficier d’un diagnostic précis et d’une prise en soins adaptée. Plusieurs professionnels (neurologue, gériatre, psychiatre, psychologue) interviennent.
  • L’unité cognitive comportementale a pour objectif de stabiliser les troubles du comportement de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, grâce à un programme individualisé de réhabilitation cognitive et comportementale et d’assurer les soins à l’origine de la situation de crise.
    Le centre mémoire de ressources et de recherche constitue le second niveau de diagnostic et de prise en soins des malades d’Alzheimer. Il assure plutôt des diagnostics précoces et traite les patients dont les troubles nécessitent une expertise approfondie.
  • L’accueil de jour propose aux personnes de plus de 60 ans, vivant à domicile et présentant une maladie d’Alzheimer ou apparentée, d’être accueillies une ou plusieurs journées par semaine, dans un espace adapté et hospitalier.
  • La MDPH (maison départementale des personnes handicapées) est chargée de l’accueil et de l’accompagnement des personnes en situation de handicap et de leurs proches. Elle fonctionne comme un guichet unique pour toutes les démarches liées aux diverses situations de handicap.

Références
Code civil, articles 205 et 212.
Code de l’action sociale et des familles, article R.245-7.
Charte européenne de l’aidant familial, mars 2009.
Code de l’action sociale et des familles, article L.113-1.

 
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